Qui suis-je ?
Docteur en pharmacie
Docteur en pharmacie, promotion 2000, j’exerce à Paris depuis plus de 15 ans et sans m’en apercevoir, j’ai changé de titulaires tous les deux ans, vente, fusion ou encore fin de contrat obligent. Ainsi j’ai travaillé avec plus de 7 titulaires et chose bizarre, aucun ne m’a donné l’envie de m’installer. Mais que se passe t-il ? Je m’interroge depuis longtemps sur l’installation mais rien n’y fait, je ne veux pas.
J’ai peur de quoi ? De gérer une entreprise … non ! De gérer une entreprise qui devra à la fois se protéger et protéger la collectivité (notre argent à tous) … oui !
Être adjoint … en crise
La crise, la crise suffit à anéantir toutes espérances. La crise, je suis né avec, elle me fait peur comme la guerre fait peur. Contre cette peur, l’argent. Voilà le chiffre d’affaires qui apparaît comme le sauveur. Qui peut dire l’inverse, il faut de l’argent pour payer les salaires, payer les factures, acheter des produits, les vendre peu chers. Et là, je touche un autre point. Vous, nous, les consommateurs, voulons le meilleurs prix, au supermarché, au restaurant partout, même en pharmacie. Et le marchandage débarque. Number one des produits marchandés, le Viagra®, le Cialis® ou autres produits de parapharmacie. Il faut s’y faire, mais chuttt … c’est la crise.
Je ne me suis pas installé. Pour l’adjoint que je suis, les perspectives dans la profession sont absentes. Heureusement pour voir autre chose que le comptoir et continuer à apprendre, il est possible de se former, c’est d’ailleurs obligatoire. C’est pour soi, certainement, c’est aussi pour la pharmacie mais sans compter sur une meilleure reconnaissance. Il y a les « formations » labos, faites dans l’arrière boutique, entrecoupées par les passages clients, par les appels téléphoniques, autant dire que debout, mal installé, elles ne servent pas à grand chose. On fait semblant, le ou la titulaire est content(e), ça rassure mais cela ne me correspond pas. Et puis, il y a les autres formations, plus sérieuses, sur de nombreuses heures. Toutefois elles impliquent des absences à gérer or en effectif réduit ce n’est pas facile. J’ai souhaité aussi devenir réserviste EPRUS mais mon employeuse de l’époque l’a refusé; elle ne voyait pas son intérêt et celui de son collaborateur ? Ben … elle ne le voyait pas non plus.
Il faut donc faire du chiffre et faire correctement son métier est devenu selon moi quasi impossible. Pourquoi ? Parce que le pharmacien, arrivant en fin de chaîne médicale, trouve difficilement sa place au milieu d’un environnement dominé par la puissance des médecins. Parce que le pharmacien est régulièrement en conflit d’intérêt, il ne peut pas à la fois protéger les comptes publics, la Sécu et à la fois gagner de l’argent. Parce qu’aussi le temps c’est de l’argent et que l’argent s’accommode mal du concept « prendre le temps de comprendre et d’expliquer ».
Le métier de pharmacien
Le pharmacien a étudié la pharmacologie, la botanique, la galénique et beaucoup d’autres domaines. Le pharmacien n’est pas un vendeur. Le pharmacien, sauf si cela est inné, n’est pas un manager, il ne sait pas gérer une équipe. Le pharmacien veut tout faire mais il ne peut pas tout faire. Le pharmacien est soumis à de nombreuses contraintes règlementaires, législatives, le pharmacien est sous pression, l’indépendance dans son exercice s’amenuise. Le pharmacien se plaint. Alors quand l’industrie pharmaceutique lui sert des méthodes issues de la grande distribution pour vendre plus, le pharmacien est piégé et perd le sens de sa mission.
La loi HPST (loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire) a introduit de nouvelles possibles missions dans le cadre d’un protocole de coopération avec un médecin portant sur un traitement chronique. Renouveler le traitement, ajuster la posologie, le pharmacien peut le faire via une prescription médicale qui s’appuie sur un protocole précisant les posologies minimales et maximales ainsi que la durée totale du traitement. Cela va dans le bon sens mais je ne connais aucun pharmacien qui l’applique et outre les questions que posent ces nouvelles missions est-ce-que finalement ces responsabilités supplémentaires intéressent majoritairement la profession ?
Le pharmacien doit se réinventer
Il n’y a pas si longtemps, j’ai lu sur le site web d’un grossiste répartiteur national, une titulaire d’officine du 17ème arrondissement de Paris titrer son annonce « job d’appoint, recherche pharmacien(ne) pour 1 samedi sur 2 ». Distribuer des tracs peut être un job d’appoint mais pharmacien aussi ? La pharmacie me fait parfois penser à de l’artisanat, privé de son savoir-faire, de la bidouille que l’on fait passer pour sérieuse. Relié à la médiocrité alors on diminue, relié à plus grand que soi alors on grandit. Les mots ont un sens, je me suis dit que le moment était venu, ne pas tomber plus bas.
Être pharmacien n’est pas un « job d’appoint » il est un métier complexe, difficile et plein de technicité. Ce n’est pas la manutention souvent inévitable dans les officines qui va nous apprendre à mieux connaître les nouveaux médicaments. Le médicament n’est pas un produit comme les autres, il est un poison qui guérit. Expliquer les ordonnances qui seront dans le futur faites de médicaments personnalisés, voilà ce qui me plaît. C’est pour cela que les pharmaciens existent. J’ai créé ce site avec l’idée du partage d’informations et de faire autre chose en complément de la pharmacie de ville. Il faut l’inventer. J’ai choisi de développer les services pharmaceutiques au plus près des patients. Citoyen avant tout, je veux pouvoir exercer mon métier différemment avec déontologie, éthique et plaisir.