Il FAUT EN SOURIRE.
Les attaques de ces derniers jours vont-elles, tous ensemble, nous amener à réfléchir sur notre société ? De mon côté, je réfléchis plus particulièrement sur notre système de santé et sur celui de la pharmacie.
Il m’arrive de rencontrer des gens dont je sais, je sens qu’ils sont en fraude mais ils ont une ordonnance, le médecin a été gentil si vous voyez ce que je veux dire. Travailler dans le commerce et voir différents profils de consommateurs permet cela. C’est subjectif, je vous l’accorde, mais c’est comme ça, mes sens me trompent rarement.
Qu’est ce qu’une « petite » fraude ? Un client me demande par exemple le prix de Hyalgan, une seringue d’acide hyaluronique utilisée essentiellement dans les articulations. Son prix : 29.68 Euros l’unité. Il me demande si ce produit est remboursé et lui réponds qu’il est bien prévu un remboursement par la Sécurité sociale. Ces injections sont destinées à sa mère vivant en dehors du territoire « ce n’est pas pour moi mais pour ma mère, je dois lui envoyer, laissez, je vais voir avec mon médecin ». Voilà typiquement une fraude ouvertement assumée, le client n’en a aucune conscience.
Ces fraudes payées par nous tous sont indétectables pour la Sécu, 60 Euros par-ci, 150 Euros par-là pour des patients qui ne sont peut-être même pas en France.
J’ai donc contacté une pharmacienne conseil travaillant à Paris. Je me suis dit que les renseignements seront bien plus précis que d’appeler une centrale téléphonique où le personnel ne sera pas former à me répondre.
Je n’ai pas été déçu. Je m’y attendais.
A la question : la fraude est-elle prise en compte par la Sécu ?
« Oui bien sûr il y a une cellule fraude et par recoupements, souvent, des fraudes importantes sont mises à jour ». En d’autres termes, cette cadre de la fonction publique me vantait les mérites du service public. Je rajoute une chose; ces fraudes sont détectables uniquement à partir d’un certain niveau comme s’il y a avait un pallier intéressant pour lutter contre les fraudeurs. En fait, celui qui vole un œuf est tranquille !
A la question : est-il possible de contacter la cellule fraude pour comprendre son fonctionnement ?
« Ah … Moi vous comprenez je ne suis pas dans ce département il vous faut joindre la Sécu ». Ah bon ??!! (ironie) « Mais Madame par quel numéro ? » Silence, le sujet est sensible, mieux vaut vite s’en débarrasser. « Vous appelez la Sécu et vous dites que telle ou telle personne vous semble malhonnêtes mais c’est cynique ». Moi « Madame remettons un peu les choses dans l’ordre, le cynique c’est ce que l’on a vécu à Paris ou le souhait de remettre un peu d’ordre et de justice ? ».
Cela faisait un moment que je voulais avoir une réponse. L’imprécision de cette dernière confirme ce à quoi je m’attendais. Je n’ai pas eu la possibilité d’avoir un contact direct avec la cellule anti-fraude de la Sécu, je dois me débrouiller seul si je veux comprendre plus. La « petite » fraude est tolérée. Cette « petite » fraude que tout le monde devine sans pouvoir l’expliquer, le prouver faute de preuves. Cette « petite » fraude qui encourage tout un chacun à la commettre puisque tous le monde le fait. Cette « petite » fraude qui, jour après jour, guide de plus en plus de personnes à basculer dans la fraude. Cette « petite » fraude jour après jour rend notre société non seulement irrespectueuse des lois, elle fait naître en nous un clivage avec la politique et ses représentants. Les cols blancs fraudent à grande échelle, le « peuple » à petite échelle, laissons le tranquille, il nous laissera tranquille.
Encore hier je parlais avec un client, la soixantaine, retraité RATP, du gaspillage. Et bien cela ne le choquait pas vraiment et mettait en parallèle bien plus l’inutilité des députés que le comportement des assurés dont il fait partie. Pour lui, payer largement ces gens, était bien là une catastrophe. Le reste est anecdotique, il y a suffisamment d’argent, les malades font partie des gentils « vous savez, les gens, ils ne prennent pas des médicaments par plaisir ».
La question de la « petite » fraude, suis-je le seul à me la poser ?
Peut-être car je vois qu’il n’y a aucune volonté politique à remettre en cause notre système de santé basé sur la confiance. J’en souris, les « petites » fraudes ont encore de beaux jours devant elles avec l’argent de tous. Je me souviens dans ses éléments de langage, le pharmacien conseil me dire « qui n’a pas fraudé comme ça ? ». C’est incroyable. Je considère deux points qui me paraissent essentiels. Ceux qui travaillent et alimentent le système de santé par leur travail et ceux qui ne travaillent pas pour différentes raisons et qui profitent de ce système de façon malhonnête avec, il faut bien le dire, la complicité de médecins fraudeurs aussi. Cette dernière catégorie m’intéresse plus particulièrement. Égalité oui, Fraternité oui, mais pas à n’importe quel prix car l’argent public issu du travail est trop précieux.