LA GABEGIE DE MÉDICAMENTS, C’EST L’AFFAIRE DE TOUS !
Aujourd’hui UFC-Que choisir s’inquiète des quantités de médicaments prescrites aux personnes âgées en France, dans une étude analysant 350 ordonnances contenant au moins cinq lignes de prescription (médicaments et autres dispositifs médicaux, comme les appareils pour mesurer le diabète), à destination de patients d’au moins 75 ans.
Quand un jeune client vient pour une angine, il n’est pas rare de voir trois ou quatre lignes de médicaments, un antibiotique, un sirop antitussif, un anti-inflammatoire et un collutoire. Certains produits ne seront d’ailleurs pas pris en charge par l’assurance maladie.
Quand une personne âgée vient pour son traitement, tout est généralement pris en charge par l’assurance maladie et la liste, pardon l’ordonnance, peut très vite prendre des allures de marché aux médicaments : il me faut tout s’il vous plaît, j’ai droit encore à trois renouvellements ... ah aussi, vous le savez, je ne prends pas les génériques, jamais de génériques pour moi. Au moins c’est clair, pas de question à se poser sur l’observance, les comprimés ont été correctement pris, il n’en reste plus puisqu’il faut TOUT et point important pour le pharmacien, uniquement les princeps.
Alors voici mon histoire. Un Monsieur, un client fidèle, 84 ans, comme d’habitude vient chercher ses médicaments. Il a 10 lignes de médicaments, certains traitent la tension, le cœur, d’autres les douleurs, l’incontinence etc… Il vient chaque mois, je finis par bien le connaître, à chaque passage, nous échangeons sur l’actualité, sur ces soucis, sur la vie en fait.
Et puis arrive le temps de la maison de retraite, il part, il ne peut plus rester seul. Je ne le reverrai plus.
Ses enfants ou plutôt sa voisine l’aide. Il faut dire que les familles sont un sujet inépuisable d’histoires, il ne veut pas parler à ses enfants ou inversement je ne sais pas trop, alors qu’il a 7 enfants. Aucun ne lui rend régulièrement visite. Le vieux monsieur, depuis plusieurs mois, tombe chez lui, il ne peut plus se relever seul. Régulièrement, sa voisine, la cinquantaine, 43 kg toute mouillée, est dérangée par des appels téléphoniques du vieux monsieur. 23 heure, 5 heure du matin pour raison de chute.
Aujourd’hui elle l’aide à faire du rangement avant son départ. Elle arrive à la pharmacie avec quatre énormes sacs remplis de médicaments. Je ne sais pas quoi en faire, il y en a encore partout dans les placards me dit-elle. Étonné, je récupère les sacs en lui disant que ces médicaments seront incinérés via Cyclamed (bien connu de tous). Je décide de me pencher sur ces boîtes de médicaments pour certaines jamais ouvertes mais périmées et pour d’autres au contraire non périmées affichant même une péremption au delà de 12 mois.
Cependant, vu la quantité du retour pharmaceutique je m’interroge. Pourquoi prendre régulièrement des médicaments si déjà chez soi un stock est constitué comme le Doliprane® ? Alors j’ai quantifié ce retour et fait une photo.
RETOUR DE MÉDICAMENTS NON PÉRIMÉS
J’ai séparé les médicaments périmés de ceux qui ne l’étaient pas. Puis je me suis mis à calculer la valeur des ces médicaments, payés je le rappelle, par nous tous. La plupart étant prescrits dans le cadre d’une ALD.
La conclusion me laisse sans voix. Plusieurs mois d’avance pour certains médicaments, il y avait 87 boîtes de Doliprane® 1g et 55 boîtes de Dafalgan® codéiné entres autres. Des médicaments servant au traitement de la l’hypertension, d’autres au traitement de l’incontinence. La valeur des médicaments périmés était de 150 Euros contre 423 Euros pour les médicaments encore actifs.
« 573 Euros partis en fumée »
Au total 573 Euros dépensés par la collectivité pour rien. 573 Euros pour un patient qui venait à la pharmacie, prenait des médicaments et les rangeait dans un placard. 573 Euros partis en fumée pour une personne incapable de dire il m’en reste, je n’en prends pas ce mois-ci. Et ces comportements sont malheureusement loin d’être isolés, un malade sur deux ne suit pas bien son traitement.
RETOUR DE MÉDICAMENTS NON PÉRIMÉS
Mais j’ai vu pire et cela atteste ce que dit le directeur général de la société Observia « Environ 70 % des patients n’ont pas compris leur traitement à l’issue de la consultation médicale ».
« 1037 Euros partis en fumée »
J’ai vu un retour de plusieurs boîtes de stupéfiants censés apaiser de fortes douleurs. Ce sont des traitements très importants même les boîtes de Neurontin® 600 (cf photo), destinées elles aussi à la prise en charge de la douleur, sont intactes. Il y a dix mois de traitement, cela représente à elles seules 426 Euros. Je me pose des questions sur le suivi médical et sur l’entourage du malade venu chaque mois prendre des médicaments importants non utilisés. Au total plus de 1 037 Euros dépensés inutilement.
Des médicaments partis en fumée qui sont une des réponses aux quantités de médicaments prescrites en France. Ces retours posent de nombreuses questions, en termes de prescription et d’observance ou plutôt d’inobservance. Face à ce gâchis, cette gabegie, la Sécu devrait réfléchir à comment mieux dépenser pour être plus efficiente. Je parle de la Sécu car l’observance est l’affaire de tous. Ne vaut mieux t-il pas payer un professionnel, protégeant le malade et l’argent de la collectivité plutôt que de continuer à dépenser les yeux fermés ? A mon sens, il n’y a pas 36 solutions, ces patients, souvent âgés, parfois seuls, devraient être suivis à domicile. Cela pourrait être le rôle du conseiller pharmaceutique rémunéré alors par la CPAM car cela demande de la technique, un discours personnalisé, c’est social, médical et valorisant.
La gabegie, ce n’est pas de la solidarité. Oui c’est vrai, ces retours génèrent en moi un certain dégoût. Parce que je sais des individus, ailleurs dans le monde, sans rien pour se soigner, parce que nos comptes de la Sécu sont toujours dans le rouge, parce que pour la plupart d’entre nous, en cas de maladies graves et sans la Sécu, nous ne pourrions pas nous soigner comme nos grand-parents, les mêmes qui aujourd’hui abusent du système.
Lentement notre système s’épuise et alerter est important pour moi.
Je sais aussi, certains se disent mais qu’est ce que ça peut lui faire ? Il gagne de l’argent avec ces comportements-là, de quoi se plaint-il ? J’ai simplement une conscience plus développée pour l’intérêt collectif que d’autres professionnels de la santé. La gabegie, c’est l’affaire de tous !